Joaillerie
La plus ancienne bijouterie préhistorique d’Europe : un atelier de coquillages vieux de 42 000 ans découvert en Charente-Maritime
C’est au cœur de la Charente-Maritime, sur le site de la Roche à Pierrot à Saint-Césaire, qu’une équipe du laboratoire Pacea (Université de Bordeaux – CNRS) a mis au jour un atelier de fabrication de bijoux en coquillage datant d’au moins 42 000 ans. Cette découverte, publiée dans la revue scientifique PNAS, est considérée comme le plus ancien atelier de bijouterie d’Europe occidentale.
Une centaine de coquillages marins du genre Littorina, dont une trentaine percés et polis, ont été retrouvés, accompagnés de pigments rouges et jaunes. Ces indices témoignent d’une activité artisanale structurée, probablement liée à une société de chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur.
Des coquillages choisis et travaillés avec soin
Les coquillages, aux teintes naturelles variées, étaient minutieusement sélectionnés. Certains portent des perforations régulières, réalisées avec des outils précis. Ces perles primitives étaient vraisemblablement destinées à être portées en collier, bracelet ou attachées à des vêtements.
Les chercheurs évoquent un usage à la fois esthétique et symbolique. Les pigments retrouvés ne servaient pas à colorer les coquillages eux-mêmes, mais peut-être à teinter des supports comme des peaux ou des textiles, associés aux parures.
L’origine marine de ces coquillages laisse également penser à des échanges ou des déplacements importants : les habitants de la région auraient parcouru plusieurs dizaines de kilomètres pour se procurer ces matériaux rares, preuve d’un réseau social et culturel déjà développé.

L’art de la parure, un langage universel avant la parole
Porter un bijou il y a 42 000 ans n’était pas anodin. Ces parures en coquillages jouaient probablement un rôle dans l’identité et la communication symbolique : appartenance à un groupe, statut social, ou croyance spirituelle.
Pour Isabelle Crevecoeur, paléoanthropologue et directrice des fouilles, « ces objets traduisent une forme de pensée symbolique, un langage visuel universel qui précède de loin l’écriture ».
Des découvertes similaires au Maghreb ou au Proche-Orient confirment cette hypothèse : les premiers Homo sapiens, avant même leur arrivée en Europe, exprimaient déjà leur identité à travers l’ornementation. L’atelier de Saint-Césaire démontre que cette pratique s’est enracinée durablement dans les sociétés préhistoriques européennes.
De la coquille au bijou contemporain : une tradition millénaire
Si les bijoux modernes ont changé de matériaux, leur rôle est resté le même. Se parer, c’est communiquer, se distinguer, transmettre.
Des coquillages du Paléolithique aux créations des bijoutiers contemporains, la parure reste un pont entre l’artisanat, la mémoire et l’émotion.
Ces premiers ateliers nous rappellent que l’humain, dès ses origines, a cherché à embellir le monde et à donner du sens à ce qu’il portait.
Les petites coquilles polies de Saint-Césaire ne sont donc pas de simples curiosités archéologiques : elles incarnent l’éveil de l’esprit artistique, la naissance du symbole et les premières étincelles de la créativité humaine.
© S. Rigaud / PACEA